Quand je suis en Martinique, je n'ai pas envie de peindre, je préfère regarder ! Mais dès que je rentre à Paris, les couleurs que j'ai emmagasinées resurgissent et s'expriment sur la toile ». Didier Sarciat n'a jamais pu oublier les Antilles françaises où il a passé son enfance et son adolescence. Il y retourne régulièrement : «J'expose en permanence dans une galerie antillaise, et je vais là-bas pour me ressourcer, dit-il. Je suis avant tout un peintre d'atelier, sensibilisé par ce que je vois. J'utilise des esquisses, la photo, la vidéo... et mon subconscient s'imprègne de ce qui me touche ! »
L'exposition à la Galerie municipale s'intitule « l'Arbre du voyageur» et dure jusqu'au 27 août. L'artiste y présente ses deux facettes des toiles signées Sarciat, d'autres Ydan.« Sarciat, c'est le romantisme, avant tout sur le thème antillais. J'explore toutes les techniques classiques des arts plastiques : aquarelle, huile, pastel, fusain. Je
suis très attaché à mes racines, aux traditions comme celle des costumes martiniquais, des plantations, des scènes de marché, des chars à boeufs. J'ai aussi la passion des personnages, anonymes ou non. Par exemple, je peins très souvent Mantin, une femme de là-bas, un peu mythique, que je représente tou- jours de dos. J'aime avant tout les êtres humains! Je focalise d'abord mon sujet et j'emploie pour le fond une technique proche de celle de l'aquarelliste, qui éclaircit. La réminiscence du soleil des Antilles se traduit par le blanc, très présent dans mes tableaux !
L'Arbre du voyageur possède aussi sa légende : Il s'agit d'une très belle espèce de bananier, qui se tourne toujours d'est en ouest et donne à boire aux voyageurs ». Les cinquante toiles exposées datent des trois dernières années folklore, muletiers, vanneuse tissant le bakoua (le chapeau antillais), moulins à moudre la canne, figuier maudit... Chaque toile a son histoire et ses hé- Il me faut sentir le person- nage, précise Sarciat. J'ai aussi décoré une boîte de nuit antillaise à Hossegor, en dessinant à la peinture fluorescente des coupeurs de canne, des scènes de pêche, etc. Une lumière noire en fait de petites lucarnes ouvertes sur le rêve.
Il me permet d'exprimer ma vio- lence intérieure. Pour les toiles signées Ydan, je travaille dans le bruit, avec un masque. un bonnet, un compresseur, des filtres, des aérateurs. J'ai enseigné la technologie à Cendrillon pendant quatre ans et je suis autodidacte en peinture. Par hasard, j'ai découvert cette techni- que très moderne qu'est l'aérographie: avec un pistolet, je projette de
la peinture à travers des filtres pour composer. Cela dégage des vibrations et du mouvement, grâce à des petits carreaux qui se transforment à mesure que l'on s'en éloigne.
En 1992, les Jeux olympiques d'hiver à Albertville consacrèrent Ydan, qui y exposa cinquante toiles de skieuses et patineuses. Il remporta un tel succès qu'il se mit à peindre du sport: cesta punta, tennis, golf, football américain.
Ydan va désormais se consacrer aux arts et aux sports, mais Sarciat continuera à évoquer la vie antillaise, conclut l'artiste. Je ne parviens pas à dissocier les deux, car ils font partie de moi. Disons que quand je peins du Sarciat, je fais une agréable promenade à vélo, alors qu'avec Ydan, je pars pour un tour en avion. Plus de risque, mais autant de frissons.
SANDRINE POISSONNIER