«Je ne conçois pas la vie sans la création. Et je hais la monotonie.»> Pour son premier voyage en Afrique
il a choisi Niamey pour exposer ses tableaux aussi vrais que nature.
Didier Sarciat
Il y a des artistes qu'il suffirait de définir pour les faire disparaître. Heureux le peintre qui peut survivre à sa définition. Et comme le disait Delacroix sentir, c'est juger. Comment alors faire siens le vécu et le moi d'un homme pour qui la peinture est avant tout l'extériorisation d'une subjectivité qui tente de toucher l'autre, de l'émouvoir par le seul language des formes et des couleurs. Quand on s'appelle Didier Sarciat et qu'à trente ans on a déjà traversé mers et continents en globe-trotter international à la rencontre d'autres paysages qui, plus tard, accoucheront des chefs-d'œuvre, le travail n'est pas du tout facile. Quand j'ai rencontré Didier Sarciat pour la première fois. l'homme était en train de mettre une dernière main à une de ses toiles. Debout devant son Chevalet, tantôt en avant, tantôt en arrière pour mieux juger son œuvre. il semble caresser de son pinceau la toile comme il ferait de la tête d'un enfant. De ce tableau qu'il était en train d'enfanter, il y a un je ne sais quoi, une invitation, plus un appel qui vous incite à chercher davantage quelle main divine a pu créer tant de beauté, et de grâce: le tableau qui représente deux méharistes et en toile de fond le désert peut apparaître banal vu en grandeur nature. Mais sous le pinceau de Didier Sarciat, on a l'impression que les figures pourtant figées bougent devant vos yeux. L'œuvre apparaît comme une symphonie dans laquelle on aurait mis le flou d'un Renoir et la clarté d'un Monet. Mais la parenté et la comparaison s'arrêtent là car Didier Sarciat est avant tout un créateur de vies et de paysages jusqu'ici inexplorés.
Certains de ses tableaux le nu surtout ont une telle netteté qu'on a l'impression d'être devant une photographie. Artiste professionnel. peintre indépendant consacré pour qui les gale- ries et les salons internationaux n'ont pas de secret, il est de ces hommes qui ont su garder intacte leur passion d'enfant pour en faire le choix de leur vie: Plus qu'une distraction. la peinture était devenue pour moi et cela dès mon jeune âge, une occupation, un plaisir qui accaparait et envahissait ma vie. A cette époque. je peignais sur de vieux draps, mais je n'avais pas encore un graphisme précis. C'est lors de ma première exposition dans un petit village. (j'avais alors 16 ans) que j'ai su que je pouvais faire mieux. Quand j'ai réussi à mon BEPC, mon premier cadeau fut une boite de peinture. Je pense que ce cadeau a beaucoup influencé ma carrière. Après le BEPC, ce fut le départ pour la Guadeloupe où Didier continuera ses études scientifiques jusqu'au Bac qu'il obtiendra avec succès.
Il y fait son service militaire tout en consacrant ses heures de loisirs à la peinture qu'il écoulait au sein même de la caserne. Sa soeur ayant compris ses prédispositions, lui proposa alors d'enseigner dans un lycée à Dax, au sud de la France, mais sa passion pour les tableaux peints était plus forte que celle du tableau noir auquel l'appellait sa profession d'enseignant: Pendant les quatre années qu'a duré mon séjour au lycée, à chaque instant, je me remettais en question: mais Didier tu ne vas pas finir ta vie en enseignant. Est- ce suffisant pour toi pour assurer la postérité. Appel du cœur plus que de la raison Didier abandonne l'enseignement et vient s'installer à Paris en tant qu'artiste indépendant. Mais la vie d'artiste dans la capitale française, fief des grands artistes, n'est pas aisée pour le jeune peintre: Ça été dur. Il fallait s'implanter et lutter corps et âme. Je n'aime pas Paris. Les grands espaces et les spectacles de la nature m'attirent plus que le brouhaha, et les bétons des grandes villes. J'ai commencé quand même à peindre et à mener tant bien que mal ma nouvelle vie d'artiste. En l'espace d'un an, j'ai fait un bond extraordinaire dans le graphisme. Et ça a été décisif pour moi. De 1979 à 1982, Didier Sarciat consacra tout son temps à faire une peinture plus personnelle n'ayant aucune attache avec la peinture académique. Et c'est à partir de 1982 qu'il commence à se faire connaître en tant qu'artiste professionnel en participant à plusieurs concours et autres salons internationaux. En moins de cinq, Didier. était parvenu à la porte de la consécration: En 1985 il est finaliste du Grand Prix de la Côte d'Azur (Cannes), puis du Grand Prix de la Main d'or. En 1986. Il reçoit la médaille Vermeil de l'académie du Lutèce Entre 1986 et 1987, ses tableaux sont exposés lors de l'ouverture de la galerie internationale d'Ailante à Paris. Ce fut alors le comble quand il fut admis en 1987 au Salon des Indépendants au Grand Palais et du Salon d'automne. En même temps qu'il multiplie ses contacts avec d'autres artistes de renommée internationale. Didier fait ses premiers pas dans la sculpture, mais cette dernière occupe trop de temps. Il abandonne ce créneau deux ans plus tard après avoir créé lui-même quelques statues en imitation marbre. Peintre prolixe. mais d'une modestie rare qui affirme: Ne pas se sentir à l'aise dans le monde inhumain et mercantile des sponsors, Didier est doué d'une extraordinaire faculté créatrice et il lui suffit d'un simple regard pour qu'il accouche des tableaux les plus complexes. Son œuvre apparaît toujours empreinte de spontanéité. Il n'exécute pas d'étude préalable si ce n'est que l'imprégnation du sujet. Toute l'idée d'un tableau se trouve dans sa tête.
Le thème abordé comme celui de la plupart de ses tableaux exposés au CCOG qu'il parte d'un motif réaliste ou d'une abstraction est puisé au plus profond de lui-même. Le regard que l'artiste a porté sur une chose à un moment donné a été enregistré. Le sujet va mûrir et suivre un long cheminement intérieur avant que la main ne vienne le faire sur la toile. Je n'ai jamais eu l'image de mon tableau fini.
Quand je commence à peindre, je ne sais pas ce que ça va donner. Ce qui fait que je n'ai pas un style qui domine. Et selon ce que je projette j'ai deux façons de peindre. Il y a d'abord ce que j'appelle ma peinture sensible qui est en fait une peinture plus spontanée que je fais sans aucune restriction technique, donc je me laisse emporter par ma propre sensibilité. Et ce que j'appelle la peinture d'interprétation qui est un dépassement de la première ou le jeu de couleurs et des formes a tout un autre sens que la réalité parlante. Et selon la nature du sujet je peux travailler dans le flou comme dans le net. Parfaite harmonie des couleurs, maîtrise de la perspective et surtout du graphisme, l'œuvre de Didier se situe entre le réalisme et l'impressionnisme: Si j'avais à caractériser ma peinture je dirai que je suis impressionniste. J'aime représenter ce que je vois et les impressions que je ressens devant les spectacles qui s'offrent à moi. Il y a peut- être l'influence de certains artistes tels Renoir pour son flou et Monet pour sa clarté qui se retrouve çà et là dans certains de mes tableaux. Quant au surréalisme, je ne le ressens pas.
Quand on demande à Sarciat ce qu'il ressent une fois son tableau terminé, l'artiste répond: Quand je peins une toile et que je prends un peu de recul, je la trouve pas belle à l'instant. Il me faut du temps pour mieux apprécier mon œuvre. Et parfois c'est le contraire, la toile m'emballe à l'instant où je la finis. Et le lendemain elle me rebute. Je n'arrive pas à m'expliquer cela. C'est incompréhensible..
Ce qui place Didier dans la génération des peintres professionnels c'est sans conteste sa maîtrise de toute la panoplie picturale: pastel gras, peinture à huile sur toile, peinture au fusain pour portrait en hyperréalisme aussi et surtout l'aérographie à carreaux, un procédé révolutionnaire dont il est le novateur: «C'est ma propre création. C'est d'ailleurs elle qui a fait que l'on m'a remarqué au salon des Indépendants organisé à Paris. Et Niamey est la seconde ville où j'ai eu à exposer des œuvres peintes à l'aérographie à carreaux. Ce procédé consiste à esquisser un dessin en créant des zones d'ombre. Ceci fait, on utilise des carreaux sur lesquels on projette des couleurs liquides pour donner des impressions de mouvement et de vitesse. La différence avec les autres techniques, est que l'on a pas de contacts avec la toile, la peinture étant projetée par de l'air comprimé.»
Ainsi après Paris, la Nouvelle Orléans, la Guadeloupe et l'Amazonie, Didier compte chaque année exposer dans un pays. Sa sœur travaillant à Niamey, il a alors choisi notre capitale pour sa première exposition en Afrique. Mais le choix du peintre n'était pas seulement accidentel: je voulais découvrir le sahel qui est pour moi la porte du désert. J'aime me baigner les yeux de paysages nouveaux. Je déteste la monotonie. Didier qui comptait après son séjour dans notre pays regagner Paris puis Nice, a choisi le Brésil pour sa prochaine exposition: Je serai un peintre d'autorité car au stade actuel, je vois déjà le bout du tunnel et rien ne m'empêchera de l'atteindre. Souhaitons que les peintres nigériens devant le rencontrer lors d'un atelier qui se déroulera au CCOG, sauront tirer grand profit de l'expérience de ce grand maître de la peinture.
SAHEL DIMANCHE DU 22 NOVEMBRE 1987